Dans plusieurs décisions, la cour administrative d’appel a jugé que pour refuser le bénéfice de l’agrément autorisant le transfert des déficits d’une société holding absorbée, l’administration fiscale ne peut pas se fonder uniquement sur la qualité de holding de la société absorbée mais doit tenir compte de la nature de l’activité exercée par celle-ci.
En cas de fusion ou d’opération assimilée bénéficiant du régime de faveur, les déficits antérieurs non encore déduits subis par la société apporteuse et qui ne bénéficient pas du transfert de plein droit (voir ci-après), peuvent être reportés dans leur intégralité sur les bénéfices ultérieurs de la société bénéficiaire des apports sous réserve de l’obtention d’un agrément. Celui-ci est de droit lorsque les conditions cumulatives suivantes sont satisfaites (CGI art 209, II) :
- l’opération est placée sous le régime de l’article 210 A du CGI ;
- elle est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales ;
- l’activité à l’origine des déficits n’a pas subi de changements significatifs ;
- l’activité à l’origine des déficits dont le transfert est demandé doit être poursuivie pendant un délai minimum de trois ans ;
- les déficits ne proviennent ni de la gestion d’un patrimoine mobilier par des sociétés holding, ni de la gestion d’un patrimoine immobilier.
Cette dernière condition est au cœur d’un contentieux opposant le ministre de l’action et des comptes publics et une société holding tête de groupe, à la suite du refus du directeur régional des finances publiques de lui accorder l’agrément visé à l’article 209, II du CGI, pour obtenir le transfert des déficits d’une société holding d’un autre groupe, qu’elle a absorbé.
Pour fonder sa décision de refus d’agrément, l’administration fiscale s’appuyait sur le fait que les prestations effectuées par la société holding absorbée étaient liées à la détention et à la gestion de titres de participations et qu’en conséquence l’ensemble de ces déficits provenait de la gestion d’un patrimoine mobilier.
Or, la cour d’appel rappelle qu’il résulte des travaux préparatoires de la loi de finances rectificative pour 2012 que l’intention du législateur était d’exclure les seules » holdings financières « et non l’ensemble des holdings du bénéfice du transfert des déficits fiscaux. Elle en déduit que ces dispositions ne font donc pas obstacle par principe à ce que les déficits d’une société holding puissent bénéficier de l’agrément dès lors que cette société participe de manière active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, à la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers. Cette société qualifiée d’animatrice de son groupe doit être regardée comme exerçant une activité distincte de la gestion d’un patrimoine mobilier et qui n’est pas accessoire à une telle gestion. Les déficits susceptibles de bénéficier de l’agrément ne se limitent donc pas à ceux provenant uniquement de son activité opérationnelle et réalisée au seul profit de clients tiers.
En l’espèce, les juges du fond relèvent que la société absorbée exerçait une activité de conduite de la politique du groupe et de détermination des orientations stratégiques de ses filiales. Elle s’apparentait donc à une holding animatrice.
Ils en déduisent alors que l’agrément ne pouvait pas être refusé à la société absorbante au motif que, de par la qualité de société holding de la société absorbée les déficits générés par son activité provenaient d’une activité de gestion de son patrimoine mobilier.
Soulignons que pour les opérations de fusion réalisées depuis le 1er janvier 2020, la société absorbante bénéficie de plein droit du transfert des déficits antérieurs, des charges financières nettes non déduites et de la capacité de déduction de charges financières nettes non déduites de la société absorbée lorsque leur montant cumulé est inférieur à 200 000 €.
Ce transfert est subordonné à la condition que la société absorbée n’ait pas cédé ou cessé l’exploitation d’un fonds de commerce durant la période au cours de laquelle ces déficits, ces charges financières et cette déduction inemployée ont été constatés au cours de la période déficitaire et que ceux-ci ne proviennent pas de la gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier (CGI art. 209, II.2 ; loi 2019-1479 du 28 décembre 2019, art. 45).
Pour aller plus loin :
«Fusion, scission, apports partiels d’actifs et transferts d’activités », RF 2018-5, §§1293 et 1296.
CAA Paris 8 juin 2021, nos 19PA01475, 19PA01476, 19PA01424 à 19PA01430
Source : La Revue Judiciaire