Dans un arrêt du 19 avril 2023, la Cour de cassation rappelle qu’en matière de paiement du salaire, la charge de la preuve pèse sur l’employeur, à qui il appartient de prouver qu’il a affectivement versé la rémunération au salarié en cas de litige. Illustration avec la remise de chèque, qui ne prouve pas forcément le paiement des sommes dues.
Cass. soc. 19 avril 2023, n° 22-11642 D
Preuve du paiement des salaires : rappel
Lorsqu’un salarié réclame le paiement de son salaire, l’employeur qui prétend avoir fait le nécessaire doit prouver qu’il a bien payé les sommes en cause, « notamment par la production de pièces comptables », même s’il a délivré le bulletin de paye correspondant (cass. soc. 27 novembre 2014, n° 13-16772 D ; cass. soc. 25 juin 2015, n° 14-16635 D ; cass. soc. 2 mars 2017, n° 15-22759 D ; cass. soc. 21 avril 2022, n° 20-22826 D).
À défaut de preuve par l’employeur du paiement du salaire, les juges ne peuvent rejeter la demande du salarié en se fondant sur une prétendue présomption de paiement liée à l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paye (cass. Soc. 2 février 1999, n° 96-44798, BC V n° 48 ; cass. Soc. 22 septembre 2010, n° 09-42289 D ; cass. Soc. 10 avril 2013, n° 12-15259 D).
Une photocopie de chèque pour prouver le paiement du salaire
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation le 19 avril 2023, un salarié avait été mis à pied à titre conservatoire et réclamait un rappel de salaire au titre de cette période, ce que la cour d’appel lui avait refusé.
Cette dernière avait en effet retenu que l’employeur avait produit les bulletins de salaire d’août et septembre 2017 et avait adressé en cours de délibéré le bulletin de paye de novembre 2017 mentionnant l’ensemble des sommes dues, conforme au reçu pour solde de tout compte, et la photocopie du chèque reprenant ce montant, prouvant ainsi l’absence de retenue de salaire pour la période de la mise à pied.
La Cour de cassation reçoit l’argument du salarié et casse l’arrêt de la cour d’appel, en repartant du droit civil.
En effet, selon l’article 1353 du Code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation (c. civ. art. 1353).
Dès lors, il incombait à l’employeur, comme le prévoit le Code civil, de rapporter la preuve de son paiement.
La Cour rappelle également que l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paye par le salarié ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus (c. trav. art. L. 3243-3).
Dès lors, dans le droit fil de sa jurisprudence (cass. soc. 18 juin 2015, n° 13-27049 D), la Cour de cassation conclut que nonobstant la délivrance de bulletins de paye, l’employeur aurait dû prouver le paiement du salaire, celui-ci ne pouvant résulter de la seule remise de chèques à l’ordre du salarié, laquelle n’a valeur libératoire pour le débiteur que sous réserve d’encaissement effectif par le créancier.
L’affaire sera donc rejugée.
Source : « La photocopie d’un chèque ne prouve pas le paiement effectif du salaire ». Revue-fiduciaire.com, 11 mai 2023. Web 17 juin 2023.