NOS CONSEILS – La Société civile immobilière, qui a pris la forme d’automatisme patrimonial, n’est pas forcément une solution miracle adaptée à toutes les situations.
SCI. Trois lettres qui résonnent comme une solution avantageuse pour ceux qui souhaitent investir dans l’immobilier. À tel point que les Sociétés civiles immobilières ont pris une forme d’automatisme patrimonial. « On ne se pose plus la question de savoir pourquoi, on crée une SCI parce que tout le monde dit que c’est formidable », déplore Guillaume Fonteneau, conseiller en gestion de patrimoine indépendant. La SCI permet notamment d’optimiser l’achat et la gestion des biens immobiliers au sein d’une famille et facilite leur transmission aux héritiers que ce soit en apportant un bien à une société civile immobilière familiale ou même en démembrant les parts de la SCI entre parent et enfants (les uns disposant de l’usufruit, les autres de la nue-propriété). Bien que l’engouement ait chuté de moitié depuis l’envolée des taux de crédit entre 2022 et début 2024, plus de 44.000 SCI ont tout de même été créées depuis le début de l’année, selon le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce.
Sans stratégie claire, oubliez la création d’une SCI ! « La très grande majorité des SCI n’ont aucun intérêt patrimonial car les gens qui veulent la créer n’ont qu’une idée en tête : la SCI a des avantages fiscaux sans même savoir lesquels et s’ils sont toujours d’actualité », confirme François-Xavier Soeur, fondateur de Terrae Patrimoine, cabinet de gestion de patrimoine.
Voici 8 bonnes raisons qui pourraient inciter les particuliers à réfléchir à deux fois avant de créer une SCI.
- Pas de baisse systématique des droits de succession
Pour espérer réduire les droits de succession avec une SCI, il est nécessaire d’adopter une gestion comptable rigoureuse (voir le dernier point ci-dessous) « à base de financement à crédit de l’immeuble acquis, de démembrement de propriété et de mise en réserve des bénéfices ». Un montage technique qui oblige le gérant de la SCI à transmettre les parts alors même que la SCI est très endettée et pose, ainsi, deux problèmes. « Lors de la création de la SCI et du financement à crédit de l’investissement locatif, les enfants, donataires désignés, sont souvent trop jeunes pour commencer à envisager l’héritage des parts, souligne Guillaume Fonteneau. Par ailleurs, la banque, créancière de la SCI, doit donner son accord sur la mutation des parts. »
- Perte d’abattement d’IFI pour les résidences principales
Toutes les résidences principales, qui sont imposables à l’impôt sur la fortune immobilière, bénéficient d’un abattement forfaitaire de 30% sur leur valeur vénale. Si vous envisagez de créer une SCI pour acheter votre résidence principale, sachez que vous perdrez cet avantage fiscal. « Sont exclus de ce dispositif (abattement de 30% à l’IFI) les titres de sociétés civiles de gestion ou d’investissement immobilier, alors même que l’immeuble détenu par la société constituerait la résidence principale du redevable », peut-on lire sur le Bulletin officiel des finances publiques.
- La rémunération du gérant peut être soumise aux cotisations sociales
Lorsque vous créez une SCI, vous avez le choix entre deux régimes fiscaux : l’impôt sur les sociétés ou sur le revenu. D’un point de vue fiscal, le premier est le plus intéressant. Beaucoup de ménages optent pour cette solution parce qu’ils croient qu’en faisant peser l’endettement sur la SCI qu’ils créent, ils ne seront pas contraints par le taux maximal de 35% imposé par les autorités financières depuis plus de 2 ans. C’est une erreur ! « La banque va adopter la même méthode de calcul que pour un crédit immobilier sans SCI. Créer une SCI ne peut pas effacer un endettement qui ne lui permet pas d’acheter un logement. Les associés sont caution personnelle, solidaire et indivis de la SCI », alerte Bruno Taltavull, responsable du financement des investisseurs chez Capfi, courtier en crédit immobilier. Par ailleurs, sachez que si vous optez pour l’imposition sur les sociétés, la rémunération du gérant de la SCI ainsi que les dividendes versés au gérant majoritaire sont soumis aux cotisations sociales du fait de l’affiliation à la Sécurité sociale des indépendants.
- Pas de réduction d’impôt sur le revenu systématique
Lorsque vous créez une SCI, vous pouvez choisir entre deux régimes fiscaux : l’imposition à l’impôt sur les sociétés (IS) ou à l’impôt sur le revenu (IR). Pour des associés à hauts revenus, la première option est plus intéressante d’un point de vue fiscal. Mais lorsqu’il s’agit de se financer par emprunt, les banques privilégient plutôt des crédits de type professionnel (pour des locations meublées professionnelles, par exemple), plus rares et plus difficiles à décrocher. La seconde est donc moins intéressante, l’imposition étant plus lourde (62,5% au maximum) que la première, sauf dans le cas de bas revenus. Par ailleurs, créer une SCI imposée à l’impôt sur le revenu (IR) ne permettra pas de réduire l’imposition sur les revenus fonciers par rapport à une détention en direct. « Les charges déductibles seront les mêmes, le bénéfice imposable identique, tout comme l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux à payer par les associés », affirme Guillaume Fonteneau.
- Eviter la location d’une résidence secondaire en meublé
C’est une erreur courante. De plus en plus de ménages créent une SCI pour acquérir une résidence secondaire qu’ils envisagent de transmettre à leurs enfants. Jusque-là, rien d’anormal. Bien au contraire. « Mais ce que les gérants n’avaient pas prévu au moment de la création de la SCI, c’est qu’ils loueraient leur résidence secondaire meublée », ajoute François-Xavier Soeur. Qui dit location meublée, dit activité commerciale. Qui dit activité commerciale, dit société soumise à l’impôt sur les sociétés. Au moment de la vente du bien, c’est souvent un « massacre fiscal !», aux dires du fondateur de Terrae Patrimoine.
Prenons l’exemple d’une résidence secondaire que vous avez achetée 500.000 euros et que vous revendez 900.000 euros, 20 ans après. Sans SCI, vous serez imposés, après calcul, à hauteur de 66.000 euros sur les 400.000 euros de plus-value. En créant une SCI, entre l’impôt sur les sociétés à 25% et le prélèvement forfaitaire unique à 30%, la facture est 6 fois plus salée : 410.000 euros.
Si vous envisagez de louer votre résidence secondaire meublée, acquise via une SCI, optez, avant cela, pour la transformation de la SCI en SARL familiale, conseille le fondateur de Terrae Patrimoine.
- Une responsabilité illimitée pour les associés
La SCI, qui nécessite au moins 2 associés, est certes une société qui dispose de son propre patrimoine mais « chaque associé est responsable de ses dettes », comme le rappelle Bruno Taltavull, responsable du financement des investisseurs chez Cafpi, courtier en crédit immobilier. Dit autrement, la création d’une SCI ne permet pas d’effacer l’endettement personnel antérieur. Pire : le patrimoine des associés d’une SCI n’est pas à l’abri en cas de difficultés. « Les associés ont une responsabilité illimitée car leur patrimoine personnel peut servir à payer les créanciers de la SCI », précise François-Xavier Soeur, de Terrae Patrimoine.
Mais, comme la responsabilité de chaque associé est proportionnelle à sa participation au capital social, les créanciers de la SCI doivent attaquer séparément chaque associé, pour lui réclamer sa quote-part de participation aux dettes sociales.
- Une création longue et complexe
Par définition, une SCI est avant tout une société. Sa création suppose l’accomplissement d’un certain nombre de formalités légales et administratives. Vous devez obtenir l’immatriculation de la SCI au registre du commerce et des sociétés ainsi qu’un extrait Kbis par le greffe du tribunal de commerce. À cela s’ajoutent la rédaction et la signature des statuts, les apports en capital, un formulaire « société civile », la publication de l’annonce légale et enfin le dépôt du dossier au greffe du tribunal du commerce. Une fois la SCI créée, il faut tenir une comptabilité de trésorerie, si vous êtes soumis à l’IR et une comptabilité commerciale dans le cas d’une imposition à l’IS. Sans oublier la tenue d’une AG annuelle. Rien à voir avec la détention en nom propre.
- Des conseils d’expert indispensables
La création d’une SCI génère des coûts supplémentaires. Pour mettre en place une stratégie patrimoniale efficace et sécuriser le cadre juridique de l’opération, il faut faire appel à un avocat ou à un notaire. Pour la comptabilité, il faut généralement prévoir l’intervention d’un expert-comptable. Comptez entre 1500 et 4000 euros pour l’un (pour la rédaction des statuts) et 600 à 800 euros annuels pour l’autre. «Beaucoup de gérants de SCI préfèrent s’en passer, s’informent en ligne auprès de pseudo-experts et risquent des redressements qui peuvent atteindre la centaine de milliers d’euros», déplore François-Xavier Soeur qui rappelle un principe simple : «La performance patrimoniale de la SCI dépend de la stratégie des gérants et de la prise en compte des aspects fiscaux, transmission et de l’intérêt patrimonial de la SCI qui est, avant tout, un outil de gestion (pour gérer un bien immobilier à plusieurs par exemple)».Source : ERRARD. Guillaume. « Immobilier : les 8 bonnes raisons de ne pas créer une SCI. » Lefigaro.fr, 24 août 2024. Web 17 septembre 2024.