La convergence des risques mondiaux et des vulnérabilités domestiques impose aux directions financières une approche intégrée, combinant analyse financière, veille géopolitique et gestion des expositions de change. Nous vous proposons une analyse synthétique des principaux facteurs à considérer pour limiter l’exposition de votre entreprise.
Du multilatéralisme à la fragmentation : un paysage économique reconfiguré
L’instabilité géopolitique s’impose au 2e rang des risques selon l’enquête 2025 d’AXA auprès de 26 595 répondants. 94% des experts anticipent même une propagation des tensions géopolitiques.
Les conséquences économiques dominent : 39 % des experts et 30 % du grand public citent les guerres commerciales, perturbations des chaînes d’approvisionnement et sanctions comme source principale de préoccupation. Cette instabilité se traduit sur les marchés de change : la volatilité des taux de change augmente sensiblement en période de choc d’incertitude, avec un impact plus marqué sur les devises émergentes.
Transmission au tissu économique : défaillances à un niveau historique
Cette instabilité contribue sans doute aussi à l’augmentation des défaillances qu’on constate sur le territoire français. Sur douze mois glissants, 68 700 procédures collectives ont été ouvertes. Le 2e trimestre 2025 enregistre à lui tout seul 16 586 procédures (+1,3 %) avec 65 000 emplois menacés.
Coface confirme cette tendance, sur une période de 7 mois : 40 750 défaillances affectant 3,4 milliards d’€ de dettes fournisseurs et représentant plus de 160 000 emplois. Au niveau micro, le remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) laisse présager un maintien de ce niveau jusqu’en 2026.
Exposition directe au risque d’impayé : chiffres et tendances
Les difficultés d’une entreprise se reportent mécaniquement sur d’autres via le défaut de paiement : 62,6 % des entreprises ont été confrontées à des impayés en 2024, contre 51 % en 2023.
Au-delà des impayés, 58,8 % ont dû faire face à des défaillances de clients (procédures collectives) en 2024, contre 49,6 % en 2023 et 32,4 % en 2022. Cette augmentation de 26,4 points entre 2022 et 2024 constitue un signal d’alerte majeur, plus de 30 % des entreprises subissent plus de 10 incidents de paiement annuels.
Gérer l’exposition au risque de change : arbitrages et instruments
Les différents facteurs de volatilité que nous venons d’évoquer imposent une gestion active des expositions de change. Trois instruments méritent l’attention du gestionnaire de risques :
- les contrats à terme fixent un taux futur, neutralisant l’incertitude au prix d’une rigidité qui empêche de bénéficier d’évolutions favorables ;
- les options sur devises offrent une protection asymétrique moyennant une prime, dont le renchérissement reflète l’accroissement de volatilité ;
- enfin, les swaps de devises conviennent aux flux récurrents, notamment pour les implantations durables.
Face au renchérissement du prix des couvertures, les entreprises arbitrent entre niveau de protection et budget selon leur exposition nette. Dans ce contexte, les aménagements contractuels (clauses d’indexation, ou mécanismes de partage du risque au-delà d’un seuil) visent à préserver les intérêts mutuels.
Risque cyber : une menace systémique pour la solvabilité des contreparties
Les risques économiques ne doivent pas masquer un autre facteur important : celui du risque cyber, qui s’impose au premier rang des préoccupations mondiales des entreprises, devant d’autres risques majeurs comme l’interruption d’activité ou les chocs macroéconomiques. Une des caractéristiques de cette menace, c’est qu’elle dépasse les frontières : les cyberattaques ne se limitent plus à des infractions isolées mais prennent la forme de campagnes complexes à grande échelle ciblant les plateformes de confiance et les outils collaboratifs. Pour les directions financières, l’enjeu dépasse la seule protection interne : une cyberattaque majeure chez un client significatif peut compromettre sa capacité opérationnelle, retarder ses paiements, voire précipiter une procédure collective.
Évaluer et réduire les risques
On le voit, l’évaluation de la solvabilité requiert une approche multicritère intégrant ratios financiers, risque pays, exposition sectorielle et dépendance géographique. Pour les clients significatifs, l’analyse doit s’étendre à la chaîne de valeur : les défaillances en cascade peuvent affecter la capacité de paiement.
Le rallongement des délais de paiement constitue le premier signal. Son suivi systématique doit déclencher une réaction précoce. Une veille internationale s’impose pour anticiper l’impact de sanctions ou tensions commerciales.
Au-delà de l’évaluation du risque, comment le réduire ? Plusieurs leviers peuvent être actionnés :
- l’assurance-crédit présente un triple intérêt : couverture des impayés, analyse externalisée de solvabilité, sécurisation du bilan ;
- la diversification du portefeuille clients réduit l’exposition aux chocs sectoriels ou géographiques. Dans les zones à forte volatilité, paiements anticipés ou garanties bancaires peuvent être envisagés.
- l’utilisation de plateformes de Gouvernance Risques et Conformité (GRC), qui centralisent les données de crédit, de change et des analyses géopolitiques. Le recours à l’intelligence artificielle enrichit d’ailleurs cette analyse par la détection via signaux faibles : variations de délais, évolution de commandes, changements d’équipes.
Vers une approche intégrée face à la convergence des risques
L’interconnexion croissante des risques, géopolitiques, financiers, ou opérationnels, impose un décloisonnement des approches traditionnelles. Le risque client se nourrit de l’instabilité géopolitique, se manifeste dans les tensions de trésorerie, s’aggrave avec la volatilité des changes.
La réponse requiert une combinaison de dispositifs : couvertures financières, diversification commerciale, analyse prédictive, veille stratégique. La qualité du pilotage fait la différence. Les entreprises capables de combiner rigueur méthodologique, outils digitaux et agilité opérationnelle disposent d’un avantage concurrentiel dans cet environnement particulièrement incertain.