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Fusion transfrontalière : la nécessité d’un agrément est contraire au droit de l’Union européenne

Les opérations de fusions transfrontalières bénéficient, sur agrément ministériel préalable, du régime de faveur prévu à l’article 210 A du CGI lorsqu’elles remplissent les conditions prévues par l’article 210 B du même code. Ces trois conditions se décomposent de la manière suivante : l’opération doit être justifiée par un motif économique, elle ne doit pas avoir comme objectif principal la fraude ou l’évasion fiscales et les modalités de l’opération doivent permettre d’assurer l’imposition future des plus-values placées en sursis d’imposition.

En réponse à une question préjudicielle transmise par le Conseil d’Etat, la CJUE juge que la procédure d’agrément préalable telle qu’elle est appliquée par la France en cas de fusion transfrontalière est incompatible avec la directive 90/434 du 23 juillet 1990 (« directive fusion »), et avec la liberté d’établissement (article 49 TFUE).

Selon la CJUE, les différents avantages fiscaux prévus par la directive fusion s’appliquent indistinctement à toutes les opérations de fusion relevant de son champ d’application, l’article 11 paragraphe 1 de ladite directive ne reconnaissant qu’une faculté de refuser d’appliquer les dispositions de la directive lorsque l’opération a comme objectif principal la fraude ou l’évasion fiscale. Selon la Cour, en dehors de ces conditions expressément prévues dans la directive, aucune autre condition n’est admissible. Or, la législation française, en prévoyant deux conditions cumulatives supplémentaires concernant les motifs économiques de l’opération et les modalités permettant d’assurer l’imposition future des plus-values mises en sursis d’imposition, ajoute à la direction fusion.

Outre la non-conformité à la directive, la CJUE juge également la législation française contraire à la liberté d’établissement issue de l’article 49 du TFUE. Selon la CJUE, tout d’abord, cette directive ne fait pas obstacle au contrôle de conformité de la législation nationale au droit primaire de l’Union. Ensuite, la Cour constate qu’il existe une différence de traitement entre les fusions internes et transfrontalières, puisque seules ces dernières sont soumises à une procédure d’agrément préalable. Si cette atteinte peut être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général reconnues par le droit de l’Union européenne, la Cour juge néanmoins, d’une part, que si l’objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales est une justification légitime, une présomption générale de fraude telle qu’établie par la législation française est disproportionnée et va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ledit objectif et, d’autre part, que la justification tenant à l’objectif de préservation de répartition équilibrée du pouvoir d’imposition n’est pas recevable, cet objectif étant déjà assuré par le directive elle-même.

Le Conseil d’Etat a tiré les conséquences de cet arrêt en écartant les dispositions litigieuses des articles 210 B et 210 C du code général des impôts en tant qu’elles instituent une discrimination contraire au droit de l’Union et a déchargé la société Euro Park Service des impositions litigieuses.

Face à cette condamnation de la procédure d’agrément, le législateur devra réformer les modalités d’accès au régime de faveur applicable aux apports aux sociétés étrangères. Plusieurs options de mises en conformité au droit de l’Union sont envisageables. Le législateur pourrait choisir de maintenir une procédure d’agrément en la modifiant substantiellement au vu des nombreuses critiques formulées par la CJUE et la généraliser à toutes les opérations de restructurations, qu’elles soient internes ou transfrontalières. Le législateur pourrait choisir, au contraire, de supprimer toute procédure d’agrément préalable.

Dans l’attente d’une telle réforme, les contribuables qui souhaiteraient effectuer une fusion transfrontalière n’ont plus à solliciter l’agrément prévu par l’article 210 B.

 

Source : CJUE, 8 mars 2017 aff. C-14/16, Euro Park Service