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Surévaluation des apports – Obligation de révélation au procureur de la République (non)

Lorsque les statuts d’une SAS prévoient que la fusion de la société doit être décidée par une décision collective sans prévoir d’exception pour le cas des fusions simplifiées, la dispense prévue par la loi ne s’applique pas.

Le commissaire aux apports doit révéler au procureur de la République les faits délictueux dont il a eu connaissance au cours de l’accomplissement de sa mission.

Le délit de surévaluation d’apport en nature sera constitué au moment de l’approbation de l’opération d’augmentation du capital social par l’assemblée, donc postérieurement à la remise de son rapport qui constitue la fin de sa mission.

EJ 2025-05)

Question : Le commissaire aux apports doit-il révéler au procureur de la République le délit de surévaluation d’apport dont il a eu connaissance au cours de l’accomplissement de sa mission ?

La Commission traitera les questions posées en s’interrogeant sur le champ d’application de l’obligation de révélation (I.) et le délit de surévaluation des apports (II.).

  1. Champ d’application de l’obligation de révélation

La Commission des études juridiques rappelle que le champ d’application de l’obligation de révélation des faits délictueux du commissaire aux comptes a été étendu à la suite des modifications apportées au code de commerce par l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023[1].

En effet, l’article L. 821-10 du Code de commerce dispose :

« Le commissaire aux comptes signale à la plus prochaine assemblée générale ou réunion de l’organe compétent les irrégularités et inexactitudes relevées par lui au cours de l’accomplissement de sa mission ou prestation2, et, lorsqu’il intervient auprès d’une entité d’intérêt public, l’invite à enquêter conformément aux dispositions de l’article 7 du règlement (UE) n° 537/2014.

Il révèle au procureur de la République les faits délictueux dont il a eu connaissance à l’occasion de sa mission ou prestation, sans que sa responsabilité puisse être engagée par cette révélation.

Sans préjudice de l’obligation de révélation des faits délictueux mentionnée à l’alinéa précédent, le commissaire aux comptes chargé de la mission de certification des comptes met en oeuvre les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme définies au chapitre Ier du titre VI du livre V du code monétaire et financier ».

En conséquence, la Commission considère qu’à la suite des modifications apportées par l’ordonnance précitée, l’obligation de révélation s’applique à tout commissaire aux comptes nommé dans une entité pour :

  • Réaliser une mission de certification des comptes, de certification des informations en matière de durabilité ou une autre mission confiée au commissaire aux comptes par la loi ou le règlement ;
  • Fournir des services ou des attestations ne relevant pas des missions précitées.

Il en résulte que le commissaire aux comptes, investi d’une mission légale de commissariat aux apports est soumis au signalement des faits délictueux au procureur de la République, dont il a eu connaissance au cours de l’accomplissement de sa mission.

  1. Le délit de surévaluation d’apport en nature

La Commission rappelle que l’article L. 241-3 du code de commerce dispose :

« Est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375 000 euros :

1° Le fait, pour toute personne, de faire attribuer frauduleusement à un apport en nature une évaluation supérieure à sa valeur réelle2 ;

(…) ».

Ainsi, la Commission relève que le délit est constitué en faisant attribuer frauduleusement à un apport une évaluation supérieure à sa valeur réelle. A ce titre la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que : « La surévaluation des apports faits par un associé, se traduit par une majoration infondée de sa participation au capital social[2]».

La participation au capital social résultant nécessairement de l’approbation de l’opération par l’assemblée générale, il apparait à la Commission que ce délit ne peut être commis que postérieurement à la date de fin de la mission du commissaire aux apports.

En effet, la mission du commissaire aux apports est « ponctuelle et prend fin avec le dépôt de son rapport[3] ».

A cet égard, en application des articles R.123-106[4] et R. 123-107[5] du code de commerce, le rapport du commissaire aux apports est déposé au greffe du tribunal de commerce par la société bénéficiaire de l’apport huit jours au moins avant la date de l’assemblée appelée à se prononcer sur l’opération.

En conséquence, le délit de surévaluation frauduleuse des apports n’a pas été constitué au moment où le commissaire aux apports a terminé sa mission. Il ne lui appartient pas d’assurer un suivi des événements postérieurs survenus éventuellement entre la date de dépôt de son rapport et la date de l’assemblée appelée à se prononcer sur l’opération d’apport.

Par ailleurs, l’article L. 821-65 du code de commerce[6] qui prévoit de convoquer les commissaires aux comptes à « toutes les assemblées d’actionnaires ou d’associés ou à toutes les réunions de l’organe compétent mentionné à l’article L. 821-40 » est inséré dans la sous-section 3 : « Des modalités d’exercice des missions de certification des comptes et de certification des informations en matière du durabilité ».

Ainsi, l’obligation de convocation ne concerne-t-elle que les missions de certification et non les autres missions confiées au commissaire aux comptes par la loi ou le règlement.

La Commission considère donc que le commissaire aux apports n’a pas à effectuer de révélation du délit de surévaluation de l’apport au procureur de la République.

Source : « Surévaluation des apports – Obligation de révélation au procureur de la République (non) », CRCC (crcc-paris.fr), mai 2025. Web 10 juin 2025.


[1] Ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 relative à la publication et à la certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d’entreprise des sociétés commerciales.

[2] Com. 28 juin 2005 n° 983 FS-PBIR, Sté Total Fina Elf c/ Sté X.

[3] §3.7.2 « Communication à l’assemblée » p.11, avis technique sur la mission de commissariat aux apports, bull CNCC, n°161, mars 2011 p.9.

[4] Art R. 123-106 C. com. : « Le dépôt prévu au premier alinéa de l’article R. 123-105 inclut pour les sociétés à responsabilité limitée (…) ».

2° En cas d’augmentation du capital par apports en nature, le rapport des commissaires aux apports ; ce rapport est déposé au moins huit jours avant la date de l’assemblée des associés appelée à décider l’augmentation ».

[5] Art R. 123-107 C. com. : « Le dépôt prévu au premier alinéa de l’article R. 123-105 inclut pour les sociétés par actions et les sociétés civiles constituées par offre au public (…) ».

3° En cas d’augmentation du capital par apports en nature, le rapport du commissaire aux apports ou la décision et les documents mentionnés à l’article R. 225-136-1 ; ces pièces sont déposées au moins huit jours avant la date de l’assemblée des actionnaires ou des associés appelés à décider l’augmentation (…) ».

[6] Art L. 821-65 C. com. : « Les commissaires aux comptes sont convoqués à toutes les réunions du conseil d’administration ou du directoire et du conseil de surveillance, ou de l’organe collégial d’administration ou de direction et de l’organe de surveillance qui examinent ou arrêtent des comptes annuels ou intermédiaires et, le cas échéant, examinent et adoptent le rapport sur les informations communiquées en matière de durabilité, ainsi qu’à toutes les assemblées d’actionnaires ou d’associés ou à toutes les réunions de l’organe compétent mentionné à l’article L. 821-40 ».