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Actions de préférence – Commissaire aux avantages particuliers

Emission de nouvelles actions de préférence d’une catégorie existante – Entité non dotée d’un CAC – Obligation de désigner un commissaire aux avantages particuliers (oui)

L’entité qui n’est pas dotée d’un commissaire aux comptes doit désigner un commissaire aux avantages particuliers nonobstant la circonstance selon laquelle les actions de préférence nouvelles ressortent de la même catégorie que d’autres précédemment émises. Ce commissaire aux avantages particuliers est un commissaire aux comptes ne réalisant pas ou n’ayant pas réalisé de missions depuis au moins trois ans pour l’entité.

(EJ 2022-45)

Les associés d’une société par actions simplifiée qui n’a pas de commissaire aux comptes ont décidé, en N, la création de deux catégories d’actions de préférence, dites « ADP1 » et « ADP2 ».

Les associés ont, à cet effet, nommé un commissaire aux comptes en application des articles L. 228-15, L. 225-147, R. 225-136 et R. 22-10-7 du code de commerce.

Celui-ci a effectué sa mission, établi son rapport et les associés ont converti des actions ordinaires en actions de préférence. Le capital de la société est composé de trois catégories d’actions : actions ordinaires, ADP1 et ADP2.

Les associés souhaitent augmenter le capital social en numéraire, notamment par l’émission de nouvelles actions de préférence d’une catégorie existante.

Question :

En cas d’émission d’actions de préférence de même catégorie que celles émises lors d’une précédente opération, l’entité qui n’a pas de commissaire aux comptes doit-elle désigner un commissaire aux avantages particuliers ?

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La Commission des études juridiques rappelle le dispositif légal de l’émission d’actions de préférence au regard des rapports à émettre par les commissaires aux comptes.

En application du premier alinéa du I de l’article L. 228-12 du code de commerce[1], les commissaires aux comptes de l’entité doivent, en cas d’émission d’actions de préférence, établir un rapport, qualifié de spécial, dans lequel, ainsi que le précise l’article R. 228-17 du même code[2], ils donnent leur avis sur l’augmentation de capital envisagée, les caractéristiques des actions de préférence et l’incidence de l’opération sur la situation des titulaires de titres de capital et de valeurs mobilières donnant accès au capital.

Le code de commerce ne distingue pas selon qu’il s’agit de la première émission d’actions de préférence d’une catégorie donnée ou de l’émission ultérieure d’actions de préférence de la même catégorie. Ce rapport n’est établi que si l’entité est dotée de commissaires aux comptes, la loi ne prévoyant pas la désignation ponctuelle d’un commissaire aux comptes pour la réalisation de cette opération lorsque l’entité n’en dispose pas.

Par ailleurs, lorsque l’émission est réalisée au bénéfice d’une ou plusieurs personnes nommément désignées ou de catégories de personnes répondant à des caractéristiques déterminées, supprimant ainsi le droit préférentiel de souscription, les commissaires aux comptes de l’entité émettent, en application du II de l’article L. 225-138 du code de commerce[3], un rapport sur l’opération. Lorsque l’entité ne dispose pas de commissaire aux comptes, elle doit désigner un commissaire aux comptes ad hoc, lequel établira le rapport prévu à l’article L. 225-138 précité.

La Commission rappelle également les dispositions de l’article L. 228-15 du code de commerce :

« La création de ces actions [de préférence] donne lieu à l’application des articles L. 225-8, L. 225-10, L. 225-14, L. 225-147, L. 22-10-53 et L. 22-10-54 relatifs aux avantages particuliers lorsque les actions sont émises au profit d’une ou plusieurs personnes nommément désignées. Dans ce cas, le commissaire aux apports prévu par ces articles est un commissaire aux comptes n’ayant pas réalisé depuis trois ans et ne réalisant pas de mission au sein de la société.

Les titulaires d’actions devant être converties en actions de préférence de la catégorie à créer ne peuvent, à peine de nullité de la délibération, prendre part au vote sur la création de cette catégorie et les actions qu’ils détiennent ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité, à moins que l’ensemble des actions ne fassent l’objet d’une conversion en actions de préférence.

Par dérogation au premier alinéa, lorsque l’émission porte sur des actions de préférence relevant d’une catégorie déjà créée, l’évaluation des avantages particuliers qui en résultent est faite dans le rapport spécial mentionné à l’article L. 228-12 ».

En application du premier alinéa de cet article, l’entité doit également désigner un commissaire aux apports, plus exactement aux avantages particuliers, lorsque l’émission est prévue au profit de personnes nommément désignées.

Le dernier alinéa précise quant à lui que, par exception, lorsque l’émission nouvelle porte sur des actions de préférence relevant d’une catégorie déjà créée, l’évaluation des avantages particuliers est faite dans le rapport spécial de l’article L. 228-12 du code de commerce précité.

Enfin, la CNCC a précisé dans une note d’information[4] :

« La lecture de l’article L. 228-15 conduit à considérer que lorsqu’il s’agit de la première émission, réservée à des personnes nommément désignées1, d’une catégorie déterminée d’actions de préférence, l’appréciation des avantages particuliers est effectuée par un commissaire aux apports quand bien même cette catégorie d’actions de préférence aurait déjà fait l’objet d’une ou plusieurs émissions, dès lors que cette (ou ces) émission(s) n’auraient pas été réservée(s) à des personnes nommément désignées. En revanche, dès lors qu’une catégorie déterminée d’actions de préférence a déjà fait l’objet d’une émission réservée à des personnes nommément désignées, cette émission a donné lieu à l’intervention d’un commissaire aux apports chargé de l’appréciation des avantages particuliers et lors des émissions ultérieures réservées à des personnes nommément désignées, l’appréciation des avantages particuliers est effectuée par le commissaire aux comptes ».

Le dernier alinéa de l’article L. 228-15 précité, qui dispense alors de la désignation d’un commissaire aux avantages particuliers, ne trouve à s’appliquer qu’en cas d’émission du rapport de l’article L. 228-12 du code de commerce, c’est-à-dire lorsque l’entité dispose d’un commissaire aux comptes.

Dans le cas contraire, la désignation d’un commissaire aux avantages particuliers est obligatoire nonobstant la circonstance selon laquelle les actions de préférence nouvelles ressortent de la même catégorie que d’autres précédemment émises. Ce commissaire aux avantages particuliers est un commissaire aux comptes ne réalisant pas ou n’ayant pas réalisé de missions depuis au moins trois ans pour l’entité[5].

En application des dispositions ci-dessus rappelés, la Commission considère que la société, ne disposant pas d’un commissaire aux comptes, devra procéder à la désignation d’un commissaire aux avantages particuliers, en application de l’article L. 228-15 du code de commerce et d’un autre commissaire aux comptes ad hoc chargé d’établir le rapport de l’article L. 225-138 du même code sur la suppression du droit préférentiel de souscription.

Source : « Actions de préférence – Commissaire aux avantages particuliers ». Chronique Commission des études juridiques, CNCC, octobre 2023.


[1] Art L. 228-12, al 1er, I C.com : « L’assemblée générale extraordinaire des actionnaires est seule compétente pour décider l’émission et la conversion des actions de préférence au vu d’un rapport spécial des commissaires aux comptes (…) ».

[2] Art R. 228-17 C.com : « En cas d’émission d’actions de préférence dans les conditions prévues à l’article L. 228-12, le rapport du conseil d’administration ou du directoire indique les caractéristiques des actions de préférence et précise l’incidence de l’opération sur la situation des titulaires de titres de capital et de valeurs mobilières donnant accès au capital. Il est conforme aux règles posées par les articles R. 225-113 et R. 225-114, ainsi que, selon les cas, par les articles R. 225-115 ou R. 225-116 et R. 22-10-31.

Le commissaire aux comptes donne son avis sur l’augmentation de capital envisagée, les caractéristiques des actions de préférence et l’incidence de l’opération sur la situation des titulaires de titres de capital et de valeurs mobilières donnant accès au capital telle que définie au premier alinéa de l’article R. 225-115. Le cas échéant, ce rapport est conforme aux règles posées par l’article R. 225-114, ainsi que, selon les cas, par les articles R. 225-115 ou R. 225-116 et R. 22-10-31 ».

[3] Art L. 225-138 II C.com : « II.-Le prix d’émission ou les conditions de fixation de ce prix sont déterminés par l’assemblée générale extraordinaire sur rapport du conseil d’administration ou du directoire et sur rapport spécial du commissaire aux comptes de la société, ou, s’il n’en a pas été désigné, d’un commissaire aux comptes désigné à cet effet selon les modalités prévues aux articles L. 225-228 et L. 22-10-66 ».

[4] NI V. Les interventions du commissaire aux comptes relatives aux opérations concernant le capital social et les émissions de valeurs mobilières – Tome 5 : Emission d’actions de préférence – 3ème édition – mars 2023, Voir § 9 P. 148.

[5] Art L. 228-15 C. com.