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L’intervention d’une société mère dans les affaires de sa filiale engage sa responsabilité à l’égard du tiers contractant

L’appelante, une société spécialisée en outillages de fours de traitement thermique, a, par l’intermédiaire d’une de ses filiales productrice de tubes en acier, conclu avec l’intimée, une société d’ingénierie à l’international, un contrat de distribution exclusive. La filiale ayant résilié le contrat au motif de manquements du distributeur, ce dernier l’a assignée en réparation du préjudice subi du fait de la rupture et en violation de la clause d’exclusivité. La filiale placée en procédure collective anglaise, le distributeur déclarait sa créance avant de poursuivre la société mère en responsabilité délictuelle.

La cour d’appel retient que la responsabilité de la société mère peut être engagée. Si le contrat de distribution exclusive a bien été conclu entre la filiale, représentée par son directeur général, par ailleurs directeur général de la société mère, et le distributeur, la société mère a été partie prenante à sa négociation et à son exécution. En effet, un recours aux services ponctuels de la société mère avait été projeté, et c’est également sous l’impulsion de la société mère que le contrat de distribution a été signé. Ainsi, la société mère, a suivi l’exécution du contrat pour avoir été destinataire du plan marketing qui détaillait les visites prévues de sites ainsi que des rapports d’activité et des comptes rendus trimestriels. Surtout, c’est en cette qualité, que par courriel, le directeur général lui a annoncé qu’allait être mis fin à son contrat de représentation exclusive pour manquements graves. Au surplus, faisait partie de l’objet social de la société mère le fait d’intervenir dans l’activité même de sa filiale et de prendre des décisions quant à sa politique commerciale.

Si une telle intervention n’est pas critiquable, elle n’exonère pas la société mère de sa responsabilité vis à vis des tiers lorsque ses décisions ont été à l’origine d’actes fautifs qui leur ont causé préjudice. Or, en mettant brusquement, sans motif légitime ni délai de préavis, prématurément fin au contrat à durée déterminée, la filiale a commis une faute, dont sa mère qui en a été l’inspiratrice et même l’exécutrice directe, doit répondre sur le plan délictuel.

Le jugement qui a retenu le caractère abusif de la rupture et condamné la société mère, décisionnaire, à réparer aux côtés de sa filiale les conséquences dommageables subies par le distributeur, doit être confirmé, sauf à préciser que la mère est tenue in solidum et non solidairement aux côtés de sa filiale.

La responsabilité de la société mère se trouvant déjà totalement engagée pour être à l’origine de la rupture abusive dont a été victime le distributeur, il n’y a pas lieu de rechercher si la société mère a participé ou non à la violation de la clause d’exclusivité que le tribunal a imputée à la filiale ni si elle a organisé l’insolvabilité de cette dernière.

Décision antérieure : T. com. Le Mans, 3 nov. 2014, n° 2012/07107

Source :
CA Angers, 27 sept. 2016, n°  15/00008 JurisData n° 2016-021035